Par Régine Vanheems, consultante pour Paris Retail Week
A l’ère de la multiplication des « devices » et des « touch points » (points de contact), le client profite d’une autonomie inédite et de la liberté d’acheter partout et à tout moment selon ses envies et ses contraintes. La contrepartie d’une telle liberté est « la mise au travail du client partout et en tout lieu », « là où on faisait pour lui avant, il doit le faire maintenant lui-même ». Une telle fragmentation du parcours d’achat entraîne des « customer journeys » de plus en plus complexes, parfois anxiogènes et générateurs de perte de sens.
Par ailleurs, avec la digitalisation de la société, le client se retrouve de plus en plus souvent seul avec ses interrogations et ses difficultés. L’enjeu pour certaines marques est désormais d’être présent dans ces moments pour aiguiller ce consommateur de plus en plus solitaire. Ainsi de nouveaux besoins d’accompagnement apparaissent chez les clients connectés. L’objectif pour les marques est de répondre à ces interrogations.
Sortir d’une logique purement marchande pour apporter plus aux consommateurs
Qu’attendent les clients des marques et des entreprises aujourd’hui ? Que celles-ci leur facilitent leur quotidien en étant présentes quand ils en ont besoin. Les marques doivent sortir d’une logique purement marchande et prendre de la hauteur pour accompagner les clients dans leur parcours de vie. Cela exige de leur part un changement profond de posture et une relation plus désintéressée. « Etre orienté consommateur » ne suffit plus, il faut être « orienté vers l’Homme ou la Femme » et être capable de comprendre sa psychologie et/ou ses besoins sur chacun de ses micro parcours de vie.
Par exemple, la mission de Blédina ne sera plus de commercialiser des petits pots pour bébés mais d’aider les parents à mieux les nourrir, à faire des plats fait-maison, à proposer des produits complémentaires voire des produits concurrents. Autre exemple significatif : les hôtels Accor accompagnent le voyageur de A à Z : réservation, arrivée à l’hôtel, services, pressing, parcours personnalisés en fonction des envies du voyageur (tourisme, travail). Il s’agit de connaître et reconnaître le client pour l’accompagner, le rassurer, voire de le dorloter.
Par ailleurs, la marque peut construire des communautés de clients qui s'entraident. A travers des plateformes dédiées, les consommateurs reçoivent des astuces, réponses et conseils d’ambassadeurs de la marque. C’est le cas par exemple de Leroy Merlin, et son espace dédié sur son site où des bricoleurs passionnés aident les débutants.
Accompagner « autrement » le client en réinventant la notion de service
Accompagner le client au quotidien, au-delà d’une seule logique marchande, suppose de réinventer la notion de service pour aider les clients dans leurs parcours de vie et dans leur quotidien. Par exemple, il s’agira pour une boutique de chaussures à l’instar de la dynamique marque australienne Shoes of Prey non seulement de confectionner à distance des chaussures sur-mesure en fonction des goûts ou des besoins du client, mais également demain de les confectionner en boutique grâce à la 3D et, de les faire livrer à l’endroit le plus pratique (chambre d’hôtel, domicile, travail, restaurant etc). Zalando, avec son nouvel abonnement premium, permet la collecte des colis et des retours sur demande grâce aux services d'un coursier... Pour aller plus loin, si le métier est de « s’occuper des chaussures » du client, de nombreux autres services sont possibles, depuis un service de coursier récupérant les chaussures pour les porter chez le cordonnier jusqu’à la production de services qui restent à inventer.
Vers une conciergerie « phygitale »
Les marques ont tout intérêt à orchestrer des points de contact humains et digitaux auprès des consommateurs pour les accompagner de manière personnalisée. Aujourd’hui, pour se différencier de ses concurrents, il est important de réfléchir en termes de « parcours de vie » avec une logique d’accompagnement global et de services pertinents, utiles et faciles à mettre en œuvre. Ainsi l’avenir est à la conciergerie « phygitale » capable d’accompagner le client digitalement et humainement, l’humain prenant le relais lorsqu’une présence digitale « partout » et « en tout lieu » n’est plus suffisante.
Cette conciergerie suppose l’usage facile d’une technologie invisible et présente pour le client afin qu’il puisse rentrer en contact à la fois avec une marque qui lui est utile et avec une communauté de clients et/ou de passionnés qui s’entraident. Ce système de conciergerie suppose aussi une capacité à offrir une relation humaine de qualité avec une écoute attentive et personnalisée lorsque le client a besoin ou a envie d’être accompagné humainement en fonction de ses moments de vie (question, angoisse, bonheur).
La révolution : c’est l’imbrication du monde réel et virtuel
La révolution n’est pas la création d’un monde digital, parallèle au monde réel. La révolution, c’est l’imbrication de ces deux mondes, un monde réel et virtuel ! Grâce à l’omnicanal, les consommateurs sollicitent les marques à tout moment, l’enjeu pour elles étant de réussir à répondre aux demandes voire de les devancer en créant de nouveaux besoins. C’est le cas par exemple des distributeurs automatiques avec le marché des box «mensuelles » qui a explosé depuis 5 ans en France, et qui, proposent des produits annexes, basés sur les préférences des consommateurs. De même, les marques se doivent aujourd’hui d’allier rapidité et efficacité dans leur relation client.
Dans la nouvelle conciergerie connectée, le meilleur majordome sera celui qui permettra de passer du monde physique au monde virtuel et d’une relation digitale à une relation humaine, sans douleur et sans irritants, grâce notamment à des soutiens technologiques (assistants vocaux, chatbots, applis, IA par exemple). Par ailleurs le retail connaissant une révolution tous les 50 ans, la question est de savoir comment les retailers vont pouvoir aborder une telle révolution : accompagner le client dans son expérience de vie plutôt que dans une simple expérience marchande.